Quand les marques food font marcher le terroir caisse…
Alors que l’été 2015 a été marqué par la révolte des éleveurs, paradoxalement leur image et celle du terroir français en général n’a jamais été aussi vendeuse. Les Français sont de plus en plus friands de produits du terroir, perçus comme un gage de qualité et de savoir-faire, une tendance dont on aimerait qu’elle puisse également profiter aux agriculteurs français. Selon une étude du cabinet Xerfi. « C’est une tendance de fond qui ne cesse d’augmenter »... Le très parisien Jean Imbert est-il quant à lui crédible en ambassadeur de Carrefour Market à la rencontre des producteurs de légumes ? Cela est une autre histoire.
Pas de doute en revanche: les marques sont de plus en plus nombreuses à miser sur le terroir et à valoriser les producteurs. On retrouve 4 types de démarches différentes :
– les MDD qui s’engouffrent dans la brèche pour rattraper le terrain perdu sur la crédibilité de leurs marques distributeur,
– la création et mise en avant toujours plus forte de marques régionales fonctionnant comme des labels telles Produit en Bretagne ou Saveurs en Or
– de grandes marques agroalimentaires qui se repositionnent à travers la mise en avant des producteurs et la valorisation de leur traçabilitié. C’est la cas pour Danone et ses éleveurs de lait, Lactel avec sa publicité pour le lait Bio, Lu avec la charte Harmony contractualisée avec des cultivateurs de blé ou encore Douce France mettant en avant son engagement coopératif…
– et enfin la création de nouvelles marques telles La Nouvelle Agriculture de Terrena, les 2 vaches de Danone, le Petit Producteur etc… se positionnant de manière frontale sur la revendication d’une origine terroir.
Quel est le sens de cet engouement pour le terroir ? A-t-il encore de beaux jours devant lui ?
Le terroir, une aspiration qui fait écho à un besoin identitaire
Pour Jean-Pierre Corbeau, professeur de sociologie à l’Université de Tours «Les produits de terroir sont une réponse à une crise identitaire. La notion de terroir remonte aux années 80 et a permis de valoriser les produits régionaux. Depuis, cette tendance s’est renforcée et est même devenue un axe de communication pour des multinationales et des produits industriels complètement aseptisés. Consommer un produit de terroir, c’est s’inscrire dans un espace qui raconte une histoire. Cela permet également de créer un lien social entre le consommateur et le producteur. Enfin, la dimension aléatoire du produit –tous les camemberts n’ont pas le même goût, ni la même couleur– rend le consommateur acteur de son alimentation dans la mesure où il cherche un produit qui correspond le mieux à son goût. » http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/terroir-valeurs-marques-201412.html.
La notion de terroir : un atout marketing de poids !
Pour Nathalie Spielmann, PhD, professeure associée de marketing, NEOMA Business School : « La recherche le démontre* : un produit dénommé de terroir obtient de meilleures notes des experts et s’avère bien souvent plus coûteux qu’un produit sans l’appellation terroir. Cependant, avant même d’apposer le terme terroir sur son produit, l’utilisateur potentiel doit comprendre la valeur ajoutée du lieu, de l’héritage, du savoir-faire, ou même du relief géographique et géologique. C’est une condition indispensable pour pouvoir ensuite promouvoir son produit comme issu du terroir… Et le consommateur aura plus tendance à croire qu’il est face à un produit de terroir lorsque celui-ci lui parait authentique, par son origine, par la façon dont il a été fait, et/ou par son goût.
Les « MDD » misent sur le terroir pour rattraper le terrain perdu
Les distributeurs ont d’ailleurs tous tenté de capitaliser sur l’engouement des consommateurs pour les produits locaux en renforçant le positionnement de leurs marques sur ce segment : Carrefour avec « Reflets de France », Leclerc avec « Nos régions ont du talent », Système U avec « U Saveurs », Lidl avec « Saveurs de nos régions », et Casino avec « Ça vient d’ici ». Avec souvent à la clé de belles performances : « Reflets de France » a ainsi réalisé en 2014 des ventes de 348 millions d’euros, en hausse de 6 %, indique Carrefour. Pour en savoir plus, retrouvez l’article complet dans la France agricole.
Les labels régionaux connaissent un beau succès
Le label « Produit en Bretagne » créé en 1993 est le pionnier de ce type de démarche. A fin 2014, il affiche un beau bilan avec près de 4000 produits signés, 300 entreprises adhérentes et un CA cumulé de 100 000 salariés. Il totalise 97% de notoriété en Bretagne et 49% dans le reste de la France Désormais, il s’exporte à travers l’appellation « Bretagne Excellence » pour la présence de produits bretons sur le marché international. Ses campagnes d’affichage local ont toujours su joué sur la fibre locale et durant l’été 2015, on a vu une tournée des produits bretons se lancer à la conquête des touristes.
C’est un exemple qui a été suivi par les produits du Nord : Saveurs en Or, ou encore par « Alsace Qualité », « Bravo l’Auvergne », « Sud de France ». Ce dernier label étant en campagne TV actuellement.
De grands noms de l’alimentaire sont allés cherché la caution des producteurs
Les grandes marques de lait se sont tournées ces dernières années vers la mise en avant les producteurs dans leurs publicités : Danone a communiqué en 2012 sur ses éleveurs de lait, Lactel l’a fait pour son lait bio, et Candia également avec sa marque « Le Lait de ma région » lancée en 2011. Aujourd’hui, Danone et Lactel ont fait l’objet de mouvement de colère de la part des agriculteurs.
Des marques nouvelles fondent leur succès sur la contractualisation avec les producteurs
Le modèle qui me semble le plus performant pour la constitution d’une marque terroir semble être celui de la contractualisation avec des engagements liant la marque et ses producteurs. A l’image de Lu Harmony dont la charte signée avec les cultivateurs de blé fonde une différenciation qui est désormais revendiquée dans les communications des différents produits phare de la marque.
Un autre exemple est celui de la marque La Nouvelle agriculture lancée par Terrena en 2008. Dans l’article publié dans Agromédia le 13 avril 2015, sont mis en avant les ambitions du groupe coopératif : La marque « La Nouvelle Agriculture » de Terrena doit atteindre 50% des activités de la coopérative en 2025, c’est l’objectif que s’est fixé le français forte de son succès auprès des industriels de l’agroalimentaire et auprès de la distribution. L’intérêt de la démarche est d’être basé sur une véritable contractualisation d’un modèle de production agricole innovant, mettant en avant l’origine et la qualité des produits dont l’agriculteur est le garant. « Pour Terrena, il s’agit de rétablir un lien le plus direct possible entre celui qui produit et celui qui consomme. « . Les packagings se distingue par la personnalisation de l’image du producteur.
En synthèse, la revendication d’un lien fort au terroir constitue véritablement une tendance de fond des marques agro alimentaires . Celles-ci ont plus que jamais tout intérêt à renouer avec leurs racines paysannes et régionales. Cependant, afin de convaincre durablement les consommateurs et de ne pas s’en tenir à une mise en avant alibi, il apparaît indispensable de contractualiser de véritables engagements gagnants-gagnants entre marques et producteurs.